La poésie prend pour thèmes tout ce qui se situe au cœur de l’existence humaine : la vie, la mort, le renouveau, le changement ; ainsi que l’équité et l’iniquité, l’injustice et parfois la justice. Le monde dans toute sa diversité. Le temps qu’il fait. Le temps qui passe. La tristesse. La joie. Et les oiseaux.

Margaret Atwood (Poèmes tardifs, adresse au lecteur)
Oh enfants, allez-vous grandir dans un monde sans oiseaux?
Y aura-t-il des grillons, là où vous êtes?
Y aura-t-il des asters?
Des palourdes, au minimum.
Peut-être pas des palourdes.

Nous savons qu'il y aura des vagues.
Pas besoin de beaucoup de vie pour celles-là.
Une brise, une tempête, un cyclone.
Des ondulations aussi. Des pierres.
Les pierres sont une consolation.

Il y aura des couchers de soleil, tant qu'il y aura de la poussière.
Il y aura de la poussière.

Oh enfants, allez-vous grandir dans un monde sans chansons?
Sans pins, sans mousses?
Passerez-vous votre vie dans une grotte,
une grotte scellée avec un conduit d'oxygène,
jusqu'à ce qu'il y ait une panne de courant?
Vos yeux s'éteindront-ils comme les yeux blancs
des poissons sans soleil?
Et là-dedans, quel vœu ferez-vous?

Oh enfants, allez-vous grandir dans un monde sans glace?
Sans souris, sans lichens?

Oh enfants, allez-vous grandir?

2022, Margaret Atwood, Poèmes tardifs, traduit de l'anglais (Canada) par Christine Évain et Bruno Doucey (Éditions Robert Laffont, collection "Pavillons")

Les poèmes de « Dearly » (Poèmes tardifs)

« Écrits à la main, mis dans un tiroir, tapés, retravaillés. Ces poèmes ont été écrits entre 2008 et 2019. Durant ces onze années, les choses se sont assombries dans le monde. J’ai également vieilli. Des personnes très proches de moi sont mortes.

La poésie prend pour thèmes tout ce qui se situe au cœur de l’existence humaine : la vie, la mort, le renouveau, le changement ; ainsi que l’équité et l’iniquité, l’injustice et parfois la justice.

Le monde dans toute sa diversité. Le temps qu’il fait. Le temps qui passe. La tristesse. La joie.

Et les oiseaux. Il y a davantage d’oiseaux dans ces poèmes qu’il n’y en avait auparavant. Je souhaite qu’il y ait encore plus d’oiseaux dans le prochain recueil de poèmes, s’il en est un ; et je souhaite aussi qu’il y ait plus d’oiseaux dans le monde.

Nous l’espérons tous. »

Margaret Atwood, préface de Poèmes tardifs, extrait de l’adresse au lecteur.

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« J’inviterai l’enfance« , de et par Félix Leclerc (1969)

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Couverture de l’album « Enfances », entretien de Jean-Jacques Sempé avec Marc Lecarpentier, dessins de Sempé – 2011, Éditions Denoël et Éditions Martine Grossieaux.
OH CHILDREN

Oh children, will you grow up in a world without birds? 
Will there be crickets, where you are? 
Will there be asters? 
Clams, at a minimum. 
Maybe not clams. 

We know there will be waves. 
Not much life needed for those. 
A breeze, a storm, a cyclone. 
Ripples, as well. 
Stones. 
Stones are consoling. 
There will be sunsets, as long as there is dust. 
There will be dust. 

Oh children, will you grow up in a world without songs? 
Without pines, without mosses? 
Will you spend your life in a cave,  a sealed cave with an oxygen line,  until there's a power failure? 
Will your eyes blank out like the eggwhite eyes of sunless fish? 
In there, what will you wish for? 
Oh children, will you grow up in a world without ice? 
Without mice, without lichens? 
Oh children, will you grow up? 

2020, Margaret Atwood, Dearly (O.W. Toad Ltd)