Cette série d’articles est ma façon de raconter une histoire de cette épidémie. On est loin d’une synthèse qui se voudrait objective, encore moins scientifique. C’est une fiction, un point de vue sur ces événements qui, sur chacun(e) d’entre nous, ont laissé leur marque. Vous y reconnaîtrez en clair des faits réels, connus de tous, et en filigrane mes questions, doutes, insatisfactions.
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C’est de plus en plus dur d’écrire sur ce sujet, et pourtant. Souvent, je publie un article sur un coup de tête. Une série d’articles, une histoire, c’est plus difficile. Construire un gratte-ciel, dit Denis Robert, journaliste et écrivain.
Gratter un édito c’est comme gratter la terre, il faut creuser, puis trouver un enchaînement malin et puissant. Ça demande un minimum de recul et le sens du verbe. Là je me pousse du col, je fais le beau parleur. Mais c’est un peu casse-gueule comme exercice. Surtout que je choisis toujours des sujets-limite, des sujets qu’on me demande de ne pas traiter. Sinon, c’est pas marrant.
Confinements
1346 : progressivement en Italie, puis en France, quarantaines, cordons sanitaires et lazarets furent mis en place, pour lutter contre les ravages de la peste noire (voir sur ce site : https://wp.me/p7TeeU-3Jx).
On installe des cordons sanitaires afin de boucler les zones infestées (…) Ordre est donné aux soldats de tirer à vue sur ceux qui tenteraient de les franchir. Cette pratique va se répandre et perdurer jusqu’à la fin du 19ème siècle. En 1831, par exemple, pour protéger son territoire contre le choléra, l’Empire austro-hongrois va se barricader tout entier derrière un cordon de ce type. C’est une entreprise colossale.
Patrice Bourdelais, dans Capital, 23/03/2020.
En France, en 2020 … Que faire? Décréter l’état d’urgence, et confiner la population…
Globalement, et dans sa forme radicale (55 jours en 2020), le confinement, c’est l’interdiction générale de se déplacer sur tout le territoire national. Nous n’en avions jamais connu en France. C’est l’arrêt de toute activité jugée non essentielle. On peut aller marcher, promener le chien, courir, faire des courses alimentaires, à moins de X kilomètres de chez soi (la distance autorisée dépendra des périodes de confinement). Tout rassemblement important est interdit, que ce soit en milieu clos ou ouvert, pour quelque motif que ce soit : festif, protestataire, professionnel, commercial… On se signe des attestations pour vaquer à l’extérieur. Voilà en quoi consistent les mesures de confinement.
J’écris ceci lors de ce qu’il est convenu d’appeler 3ème confinement, décidé par le président de la République à partir du 3 avril, pour 4 semaines.
(Notons que cette forme de confinement est l’extension à la France entière de restrictions de circulation, de la quasi obligation au télétravail, du couvre-feu à 18h, puis 19h, des fermetures de classes, tout cela étant déjà en place dans 16 départements depuis plusieurs semaines).
Le ton est paternaliste, mélange étudié d’autorité et d’affection (les communicants travaillent). Lors du second confinement, voici ce que nous autorisait le Président (discours du 28 octobre 2020; j’ai mis en gras quelques expressions) :
Comme au printemps, vous pourrez sortir de chez vous uniquement pour travailler, vous rendre à un rendez-vous médical, pour porter assistance à un proche, pour faire vos courses essentielles ou prendre l’air à proximité de votre domicile.
C’est donc le retour de l’attestation. Les réunions privées en dehors du strict noyau familial seront donc exclues, les rassemblements publics seront interdits et vous ne pourrez pas vous déplacer d’une région à l’autre, à l’exception des retours de vacances de la Toussaint. Il y aura une tolérance durant ce week-end de retour pour que chacune et chacun puisse revenir de son lieu de vacances, pour que les familles puissent s’organiser.
L’activité dans les services publics, les usines, les exploitations agricoles et le BTP se poursuivra dans le respect strict des protocoles sanitaires.
Les commerces qui ont été définis au printemps comme non essentiels, les établissements recevant du public, notamment les bars et restaurants, seront fermés.
J’ajoute au notamment du Président que les restaurants, les cafés et bars, les cinémas, les théâtres, les musées, les piscines et salles de sport… sont également bouclés depuis le 31 octobre dernier, sine die. Aujourd’hui, en avril 2021, ils le sont toujours.
- Le 1er confinement, le plus strict, eut lieu du 17 mars, à midi, au 11 mai 2020, soit 55 jours.
À Paris, lors du 1er confinement :

- Le 2ème confinement, moins restrictif, a eu lieu du 30 octobre au 15 décembre 2020, soit 46 jours.
- La 3ème période semble plus une période de restrictions qu’un confinement stricto sensu : restrictions de circulation, d’ouvertures de lieux recevant des gens, prolongation du couvre-feu, toutes mesures d’exception en vigueur depuis plus de 4 mois.

Toutes affaires cessantes.
Après ces descriptions factuelles, en tonalité subjective quand même, je parlerai de ce qui est le plus évident, sensible, émotionnel, pour chacun(e) de nous : de quelques effets du confinement. Car, même si on s’habitue (ô combien, et peut-être trop, mais il faut bien rester droit), l’annonce du premier confinement a fait l’effet, pour les informés-connectés-lecteurs-auditeurs, que nous sommes (presque) tous, d’un mini-tsunami!
Quoi que vous fassiez, arrêtez tout! Nous sommes en guerre, le danger Covid est partout : dehors, dedans aussi. À vrai dire, on ne sait pas encore grand-chose sur Sars Cov2. Mais le message est clair : rentrez chez vous, et restez-y… (sauf soignants, livreurs, éboueurs, camionneurs, caissières, agriculteurs… j’en oublie! Ce sont les 1ères lignes). Vous devrez vous signer des attestations pour sortir, et vos déplacements seront très limités. Vous serez surveillés, contrôlés, punis d’amendes en cas de fraude.
Un autre monde s’ouvre devant nous. Comment ne pas avoir la trouille? Assignés à résidence, sidérés déjà, parfois affolés. Rester chez soi, pour certains c’est une rude nouvelle, tant les mètres carrés leur sont comptés.
La France se fige, puis certains dévalisent les hypermarchés, où ils vident les rayons de pâtes et de papier WC. La farine et la levure prennent aussi une bonne claque. On va vivre ainsi, on ne sait pas pour combien de temps (les périodes de confinement sont reconduites de 15 jours en 15 jours) : travailler, faire un peu de sport, entasser des provisions, trier les placards et les tiroirs, cuisiner, s’occuper des enfants, et manger, oui, manger. À L’INTÉRIEUR. On se prépare à une vie fonctionnelle, calfeutrée, familiale souvent.
En espérant que l’épidémie, qui atterre par sa rapidité et sa gravité, sera limitée dans le temps.
Des images de confinement à Nancy et à Paris : rues vides, télétravail, courses alimentaires en mode décontamination!
NB: Selon les consignes, les sacs de courses, revenus du DEHORS, zonent 1 heure ou 2 dans la cuisine, puis on lave les emballages à l’eau javellisée, avant de tout ranger. Certaines choses qu’on fait prennent l’allure de rituels. Ça va, on a le temps. Et on ne se pose pas trop de questions.
Des images d’expériences culinaires, échangées lors de confinements en famille, en colocation…
Certains autres jouent rapidement l’exode sur la route ou le rail, révélant quelques contours de la fracture sociale. Les journalistes, non confinés, montrent des familles urbaines, souvent aisées, se précipitant dans les gares pour rejoindre des destinations de confinement plus aérées, plus vastes, en campagne, bords de mer, îles…
Les médias sont omniprésents car il faut savoir, apprendre tout, comprendre au plus juste ce qui nous arrive. Journaux, photos, reportages contribuent largement à diffuser la peur, via une info massive, décrivant et commentant au jour le jour l’épidémie et ses ravages. Ils donnent un point de vue sur les hôpitaux, dans des reportages quotidiens : les services de réanimation, les morts en EHPAD, et des débats, des débats… La radio programme moult émissions sur le confinement : comment instruire ses enfants à la maison, tout en télétravaillant, comment gérer son temps, son enfermement, son trop-plein, ses manques, la promiscuité (ouh! le vilain mot, mais bien juste pour beaucoup de gens!), les dégâts… En 2021, on parlera encore plus de la détresse, voire de la misère : matérielle, affective, psychique ; chez les vieux qui vivent et meurent isolés, chez les parents, chez les jeunes, qui sont sans emploi et souvent sans ressources…
Pour sourire un peu, je recommande ce petit livre (en réalité, de couleur jaune!):
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