L'âne le roi et moi Nous serons morts demain L'âne de faim Le roi d'ennui Et moi d'amour Un doigt de craie Sur l'ardoise des jours Trace nos noms Et le vent dans les peupliers Nous nomme Âne Roi Homme Soleil de Chiffon noir Déjà nos noms sont effacés Eau fraîche des Herbages Sable des Sabliers Rose du Rosier rouge Chemin des Écoliers L'âne le roi et moi Nous serons morts demain L'âne de faim Le roi d'ennui Et moi d'amour Au mois de mai La vie est une cerise La mort est un noyau L'amour un cerisier.
Jacques Prévert (1946, Histoires, Editions Gallimard, 2008, collection Le point du jour).
N.B. En transcrivant la Chanson du mois de mai, j’ai respecté la typographie de mon exemplaire d’Histoires.
Musique de Wojciech Kilar, un extrait de la Chanson du mois de mai est associée à une séquence du film Le Roi et l’Oiseau (1980), de Paul Grimault.
Grimault et Prévert s’étaient rencontrés en 1941 à Paris, alors que l’Europe pliait sous le joug nazi. Les deux poètes étaient nés pour collaborer, eux, pour le meilleur.
Après La Bergère et le Ramoneur (1953), il faudra attendre 1976 pour que Grimault retravaille le même scénario avec Prévert. L’histoire, cette fois, sera axée sur un roi dictateur et un volatile résistant. La société, elle, sera orwellienne : uniformisée, avec un peuple enfermé. Prévert l’a écrit : pour faire le portrait d’un oiseau, peindre une cage, avec une porte… ouverte. Ce chef-d’œuvre pacifiste sur la suprématie de l’art sur la tyrannie n’est achevé qu’en 1980. Prévert est déjà parti vers d’autres cieux. Lors de l’avant-première, Grimault réservera un siège vide à ses côtés…
Guillemette Odicino (Extrait de sa critique, publiée par Telerama)
La B.O. complète du film Le Roi et l’Oiseau, est disponible en intégralité sur YouTube (musique de Wojciech Kilar) :
