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2017 : c’est la 122ème édition des Estivales de Bussang, ultime saison d’été pour Vincent Goethals, directeur du Théâtre du Peuple depuis septembre 2011, une saison de retrouvailles, on verra pourquoi. Dès cet automne, Simon Delétang, metteur en scène lyonnais, prendra la relève à Bussang.
Cette année, j’ai assisté en famille à toutes les représentations proposées aux Estivales, sauf le concert d’ouverture et le week-end des auteurs de juillet. Je propose 3 articles pour faire part de mes impressions, émotions, interprétations de quelques-unes des œuvres en scène.
Le dimanche 20 août, Angèle Baux-Godard jouait à midi dans la salle Camille (avec Jérémy David, musicien), son texte L’empreinte du vertige. Nous avions beaucoup aimé Angèle l’an dernier dans William’s slam (texte de Marie-Claire Utz). La mise en scène de L’empreinte du vertige est de Clément Goethals (Oui, fils de …, et artiste à part entière) et c’est un beau travail! La création sonore, ainsi que la présence musicale sont de Jérémy David, magnifique.
L’empreinte du vertige, c’est l’histoire singulière d’une femme: passionnée, vibrante, et meurtrie. Angèle Baux-Godard parle de la sexualité féminine, et de notre (in)capacité à créer, à procréer, à transmettre. C’est fort, c’est juste, touchant, et c’est projeté loin devant, très loin, avec beaucoup de talent.
Pour le grand spectacle de l’après-midi, Vincent Goethals fête des retrouvailles avec une troupe de comédiens-musiciens : ils ont enchanté le 120ème anniversaire du Théâtre du Peuple en 2015 dans « L’Opéra de Quat’sous » de Bertolt Brecht (Frédéric Cherboeuf, Valérie Dablemont, Mélanie Moussay, Gabriel Mattei… ) Cette année, nous les reconnaissons (à peine!) dans La Dame de chez Maxim … ou presque!, jouant, chantant, dansant, en compagnie de nombreux comédiens amateurs.
Donc, le dimanche 20 août à 15 heures, nous plongeons dans l’univers festif et joyeux de Georges Feydeau, habillé d’airs célèbres de Jacques Offenbach. Essayons de ne rien laisser en route, car ça va vite, très vite!

Feydeau a l’art de camper à foison des personnages hauts en couleurs et virevoltants, et moult situations rocambolesques… Son vaudeville La Dame de chez Maxim est adapté à Bussang par V. Goethals et M.Claire Utz, qui l’ont réécrit en y mêlant des personnages d’autres pièces de Feydeau (Un fil à la patte, Chat en poche, La Duchesse des Folies-Bergères, et Cent millions qui tombent).

La direction musicale du spectacle est assurée par Gabriel Mattei (qui joue également le rôle de l’Abbé).
Le petit orchestre est sur la scène :
Et revoici l’Abbé-accordéoniste (Gabriel Mattei), faisant chanter la jeune et innocente Clémentine :
La pièce s’intitule La Dame de chez Maxim … ou presque, Vincent Goethals l’a mise en scène, dans les règles d’un art du mouvement perpétuel (expression de M.C. Utz, parlant du théâtre de Feydeau). On y redécouvre la Belle Époque parisienne, son monde bourgeois, ses codes et ses valeurs: par une belle et folle nuit, le docteur Petypon, respectable bourgeois, ramène au domicile conjugal la Môme Crevette, danseuse frivole au Moulin Rouge.
Valérie Dablemont, en rouquine explosive, extraordinaire d’énergie et de finesse, voix acidulée et jambe légère : Et hop! C’est pas mon père!…
(Illustration empruntée au quotidien Vosges Matin)
S’ensuivent alors quiproquos et rebondissements, judicieusement pimentés par des airs célèbres d’Offenbach.
La mise en scène joue avec les célèbres portes de fond de scène du Théâtre du Peuple. V. Goethals explique qu’aux premier et troisième actes, le scénographe Benoît Dugardyn et lui se sont amusés à reproduire et déplacer les vénérables portes au milieu du plateau, rétrécissant l’espace, enfermant l’action et les personnages (C’est la chambre du Dr Petypon). À l’acte II, les portes réelles restent grandes ouvertes sur le hêtre centenaire, redonnant au Théâtre toute sa dimension et sa magie.
L’adhésion, et souvent l’enthousiasme du public sont acquis, grâce à une mise en scène extrêmement travaillée, efficace, des costumes et des décors somptueux, et une joyeuse troupe de comédiens, professionnels et amateurs. Les rires s’adressent aussi bien sûr au vaudeville et à ses situations rocambolesques, qui déferlent à chaque scène.


(Photos empruntées au quotidien Vosges Matin)
Pour ma part, j’ai aimé ce travail : hommage à un auteur, hommage à un théâtre et à son public, un travail plein de souffle et d’allégresse, étourdissant, impertinent (surtout envers les militaires et les curés!) et des contrepoints musicaux qui viennent fort à propos.
Mais le vaudeville de Feydeau est long, très long ; les péripéties s’enchaînent, le dénouement tarde, et l’univers de Feydeau n’emporte pas mon adhésion: je n’arrive pas à l’envisager au 2ème degré. C’est un univers où les personnages ne sont pas sympathiques, tant ils sont parfois grotesques. Les domestiques (bien à leur place, parfois gentiment décalés) se nomment les larbins ; les femmes (bien à leur place aussi) sont plutôt maltraitées (des bourgeoises assez bêtes, ou des prostituées) ; les hommes aussi sont souvent ridicules ou benêts; mais, très débrouillards, ils gardent le pouvoir ; le couple Petypon retrouve à la fin, bien à sa place, l’ordre bourgeois qu’en réalité il n’a jamais quitté.
Je sais que ma critique trop rapide, vaguement sociologique, n’a peut-être pas lieu d’être aux yeux de beaucoup, surtout certains intellectuels que le monde de Feydeau divertit. Et pourtant… Pourtant, ils ont aussi raison, j’ai bien ri! Des situations, des dialogues, grâce à une mise en scène au cordeau. Et surtout j’ai ri grâce à l’énergie indomptable, à la joie communicative des comédiens : Frédéric Cherboeuf, Valérie Dablemont et tous les autres, professionnels et amateurs… Sans oublier les contrepoints musicaux jouissifs mitonnés par Gabriel Mattei, chef de la musique. Avec Offenbach, vive le bal!
Vive le galop infernal, donnons le signal d’un galop infernal. Amis vive le bal, vive le bal! (Orphée aux enfers)
Citation et hommage : les photos qui illustrent ces articles sont extraites du programme 2017, 14 juillet >27août, du Théâtre du Peuple (Bussang, Vosges), et du quotidien Vosges matin.