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Un jour, ça ira est un film documentaire rare et mémorable.

D’abord, c’est un vrai documentaire: les frères Zambeaux, qui l’ont réalisé, ont passé plusieurs mois dans un Centre d’Hébergement d’Urgence de Paris (un CHU) là où arrivent, atterrissent ou s’échouent tous ceux dont on parle comme de SDF: les exilés de leur pays, de la société ou de la vie: femmes, hommes, enfants et familles à la rue, envoyés là par le 115. Géré par l’association Aurore, le Centre s’appelle L’Archipel, il est situé rue de Saint-Pétersbourg, au nord-est du 8ème arrondissement. (N.B.: le Centre, avant d’être un Centre d’Hébergement, abritait l’INPI -protection des droits d’auteur; actuellement, il est fermé pour le 115, rénové, et dévolu à d’autres fonctions.)

Ensuite, c’est un vrai film, mise en scène rythmée, belles images (ce que contestent certaines critiques que j’ai lues, et qui s’y connaissent en cinéma (voir à la fin de l’article, une note sur les critiques)

Ce beau film (j’insiste!) est construit autour d’histoires, ou plutôt raconte des tranches de vie. Le destin de deux adolescents, Djibi et Ange, forme un fil rouge certes éphémère, car le déracinement, l’errance, menacent toujours les personnes très pauvres. Exilés, provisoirement sans racines, les enfants et les ados sont les véritables héros de ce film, ses lettres de noblesse.

Le projet du film, par Édouard Zambeaux:

Sortir des à-priori, ne pas regarder les sans-domicile dans leur assignation d’image habituelle où on aurait dû les voir sous des cartons… Notre projet politique était de regarder des parcours ascendants, des gens qui ont eu effectivement des accidents de la vie, mais des gens debout, dignes, qui luttent, qui marchent. Mais il y avait aussi, d’où la dimension cinématographique, la volonté de magnifier ces parcours, ça nous tenait à cœur dès le début. (Sur France Culture, 14/02/2018)

Un jour, ça ira parle de précarité, d’exclusion, d’errances, oui; mais les personnages, qui jouent leur propre rôle, d’une grande densité psychologique et humaine, aiment, souffrent, agissent: ils vivent. C’est un film émouvant, sans que jamais le pathos se fasse insistant, inapproprié: tout est vrai, sincère. Dans cette chronique de la vie quotidienne du Centre se détache bientôt l’extraordinaire aventure créatrice de ces jeunes, dans laquelle résonne le titre du film. Nous sommes loin de témoignages bruts sur la vie de familles ou de personnes précaires: au contraire, nous assistons dans le film à un lent processus de maturation, de construction des idées et de l’expression, dont tout le monde sort grandi.

C’est un film sur ce lieu, expliquent Stéphane et Édouard Zambeaux, mais aussi sur la force émancipatrice de l’écriture, la manière dont ces enfants deviennent libres grâce à cette écriture et cette capacité qu’elle leur offre de se raconter sans misérabilisme, sur le terrain de leur imaginaire. (France Culture, Émission « Le réveil culturel », de Tewfik HAKEM, 14/02/2018)

Image 1

Oui, un jour ça ira, puisque Djibi, Ange et les autres créent. Ces enfants apportent une touche de merveilleux à la vie du Centre (Interview citée). Joyeux et tenaces, si vivants, aidés par de vrais professionnels, ils écrivent, chantent, slament. Les mots et la musique qui accompagnent ce film, produits par ces ados, sont d’une clarté, d’une vérité, d’une force exceptionnelles.

Les ateliers du Centre:

  • Le premier est un atelier d’écriture (des histoires de vie, rêves, aspirations…), qui aboutit à la publication des textes dans le journal Libération: il faut voir leur joie exploser lorsque les ados vont acheter au kiosque le merveilleux exemplaire qui les concerne, et découvrent leurs textes publiés!
  • Le second atelier vise à écrire, composer, chanter; les chansons créées seront produites pour un spectacle final (d’adieu au Centre…), et peut-être pourrons-nous un de ces jours écouter le CD de ces belles chansons.

(Photos Eurozoom)

Écrire, ça rend libre. Et parfois même, ça sauve la vie. (Stan et Édouard Zambeaux, à Radio-Nova, émission Plus près de toi.

Et vivement les chansons du film!

Note sur les critiques de Un jour, ça ira!

Le site critikat.com est le seul qui fait une critique entièrement négative du film: il lui  reproche une affreuse mise en scène, mais ce n’est pas le seul grief relevé dans leur article (ils ont vu par exemple une instrumentalisation des personnes hébergées…) Voir: https://www.critikat.com/actualite-cine/critique/un-jour-ca-ira/ ) J’en parle car, en tant que simple spectatrice, touchée par ce film, j’ai l’impression, avec critikat, de ne rien connaître au cinéma…

À côté de cela, j’ai heureusement relevé des dizaines de coups de cœur, critiques positives et sans réserves, tant de la part des media, que des spectateurs!