Le 16 décembre 2016:

la-manufacture

L’anti-pièce, comme le disait lui-même son auteur, Eugène Ionesco!

(Gif en provenance du site internet de La Manufacture)

             ♥ La Cantatrice chauve ♥

Vue (enfin, pas elle directement, mais elle se coiffe toujours de la même façon, de cela on est certain)

Mise en scène de Pierre Pradinas; Comédien(ne)s : Romane Bohringer, Matthieu Rozé, Julie Lerat-Gersand, Aliénor Marcadé-Séchan…

Cela faisait plus de quarante ans (au Théâtre de la Huchette, qui la joue tout le temps), que je n’avais pas vu cette pièce incroyable, INCROYABLE !!

La Cantatrice chauve ne se résume pas.

Pas de résumé.

Les Smith reçoivent les Martin à la maison. Ils parlent de choses et d’autres sans rien échanger de personnel, on pense d’abord à une comédie de boulevard, une pièce intimiste à thèse, et puis cela dérape… Les Smith et les Martin, ces braves bourgeois, vivent un profond malaise. Ce qui fait ici la matière du comique n’est pas drôle, c’est l’inspiration angoissée de l’auteur, sans artifice, sans truc et sans blague, si proche de nous, qui nous amuse. C’est la critique des conventions théâtrales quelles qu’elles soient, des dialogues naturalistes, des petites morales… Plus qu’une satire du conformisme, Ionesco fait la « comédie de la comédie » selon sa propre expression. Et c’est réjouissant : il ne nous accable pas, il partage avec nous l’absurdité de nos postures, il nous fait rire de nous-mêmes et ce n’est pas désespérant, parce que grâce à lui, on se comprend mieux, et on est pris d’une furieuse envie de réagir. (…)
Le théâtre de Ionesco, c’est le contraire de l’absurde. Il dit sans dire, il fait comprendre à la manière d’un tableau de Magritte, on est frappé par l’évidence de ce qu’il dépeint.
Au mot absurde, Ionesco préférait celui d’étonnement. Ce qui est absurde en effet, ce n’est pas son théâtre, c’est le monde qu’on découvre dans le miroir qu’il nous tend : le nôtre. Et ce reflet ne vieillit pas. Mieux, il se réincarne au gré des métamorphoses de nos sociétés, et sous nos yeux étonnés, les Smith et les Martin continuent d’échanger des banalités sur leur radeau dérivant dans la houle…
Cette pièce emblématique est un élément essentiel dans mon parcours de metteur en scène, je n’ai cessé d’y penser, de m’y référer dans ma pratique du théâtre.
D’abord elle est une interrogation sur la raison d’être de la représentation elle-même, ensuite elle ouvre de nouvelles perspectives narratives et enfin, elle abolit la frontière traditionnelle entre tragique et comique. Depuis que je l’ai découverte, à mes débuts, je ne supporte rien au théâtre qui soit dénué d’humour ou d’une connivence avec le spectateur.
Pierre Pradinas, 28 février 2016