Je suis allée voir cette pièce le 7 octobre dernier à La Manufacture. La traduction, la conception et la mise en scène sont dues au collectif EUDEMONIA (France) avec Guillaume SEVERAC-SCHMITZ, metteur en scène: http://www.collectifeudaimonia.fr/le-collectif/
Je vous livre ci-dessous des extraits de la présentation qu’en a faite la Manufacture, entremêlés de mes impressions, ainsi que quelques photos empruntées au site du théâtre:
La pièce: « Écrite par William Shakespeare en 1595, La vie et la mort du roi Richard II, raconte l’abdication de ce roi, dont le règne a duré 22 ans (1377-1399). Cette pièce historique commence après l’assassinat du duc de Gloucester, oncle du roi (…), dont Richard pille la fortune et bannit le fils, Bolingbroke. Richard part faire la guerre en Irlande. À son retour, Bolingbroke est revenu en Angleterre, réclamant l’héritage de son père. Forcé (ou non, selon les interprétations…), Richard donnera son royaume et sa couronne à Bolingbroke, le laissant devenir Henry IV (…) Richard II n’est plus Richard II, il n’est plus que « le roi de ses douleurs ». Henry IV, nouveau roi d’Angleterre, fera assassiner Richard, alors tourmenté par la folie, dans sa cellule de prison.
HENRY BOLINGBROKE: I thought you had been willing to resign.
KING RICHARD II: My crown I am; but still my griefs are mine:
You may my glories and my state depose,
But not my griefs; still am I king of those.
Shakespeare Richard II (Act IV, scene 1)
« À l’avidité frénétique et mortifère du pouvoir, Richard préférera donc l’abdication.
Tyran infantile au départ, il deviendra un roi sage et responsable qui saura accepter le verdict de son impopularité. Entre le bas et le haut de l’échelle, entre la terre et le ciel, Shakespeare fait tournoyer ses grands thèmes dans un jeu de trônes dont il est le grand maître. Les ingrédients de cette fresque historique sont, comme il se doit, meurtre, trahison, intrigues, stratagèmes, bannissement, exil, guerre, ascension et déchéance »
J’ai apprécié une mise en scène classique, sobre, mais qui laisse place à la théâtralité. La scène a trois couleurs: noir, blanc et rouge (sang) dans « le poids très concret des éléments primordiaux: le sang, l’eau, la terre (…) Les moyens dérisoires du théâtre fabriquent du vent, des palais, la mer et des batailles échevelées … »
Le vent de la poésie shakespearienne nous entraîne: la traduction (nouvelle) ose autant la truculence que le langage raffiné. Les acteurs (sept pour trente personnages), corps et âmes impliqués dans ce parcours épique, sont beaux et humains, qu’ils interprètent la gloire ou la chute. « Le résultat est limpide. Un parfum rare de vérité et de puissance »
Le poète français Louis Aragon (1897-1982) très marqué par l’occupation allemande lors de la seconde guerre mondiale, écrit en 1941 (peu après la défaite) dans son recueil « Le Crève-Cœur » publié chez Gallimard, un poème intitulé « Richard II Quarante » qui fait référence au roi anglais déchu de la pièce de Shakespeare. En voici un petit extrait:
Ma patrie est comme une barque
Qu’abandonnèrent ses haleurs
Et je ressemble à ce monarque
Plus malheureux que le malheur
Qui restait roi de ses douleurs
(…)
Que le soleil meure ou renaisse
Le ciel a perdu ses couleurs
Tendre Paris de ma jeunesse
Adieu printemps du Quai-aux-Fleurs
Je reste roi de mes douleurs (…)
Ci-après, le lien vers un blog où tu pourras lire le poème d’Aragon dans son intégralité: c’est le grand Michel Bouquet qui le dit, avec en fond une « Marseillaise » chantée par Mouloudji ! (Impressionnant)
http://www.paris-a-nu.fr/le-creve-coeur-louis-aragon-mouloudji-michel-bouquet/#comment-1218
Et pour finir, voici l’interprétation de « Richard II Quarante » par Colette Magny (Album Melocoton, 1965; Une autre version, dans « Inédits 91 » est publiée dans mon article « Richard II Quarante », sur ce blog.
NB: Pardon pour l’affreuse pochette d’album ci-dessus et les éventuelles publicités qui précèdent ou suivent la chanson!