• 6 : Extraits de La familia grande, de Camille Kouchner.
« Mieux vaut savoir parler » :

« Le soir finit par arriver. Adultes et enfants ne s’arrêtent jamais de jouer. (…)

Ils discutent des heures, refont le monde, se connaissent par coeur. (…) Ils se critiquent, s’encouragent, s’interrogent, discutent. Ensemble. (…) Sur les enfants aussi, il peut leur arriver de crier : « Argumente! Mais argumente! »

Tout petit déjà, mieux vaut savoir parler. Comprendre que les cris sont une marque de conviction, qu’il n’y a pas à s’en effrayer. Comprendre qu’il faut savoir prendre la parole. Apprendre à choisir ses mots comme des armes de combat. Sur tous les sujets. Apprendre à ne pas montrer sa peur. Prendre le dessus dans la conversation, tout le temps et quel que soit le point de vue. Toujours savoir développer son idée, fixer sa position et l’assumer. À 7 ans, à 15 ou à 40 ans. À l’école de ces dîners de révoltes, de ces dîners d’intellos, chaque enfant apprend à répliquer mais creuse aussi, parfois, une terreur de l’affrontement. » (p. 64-65)

Un secret de famille :

Camille ne révèle que tardivement le secret de l’inceste commis par leur beau-père sur son frère jumeau Victor, et leur frère aîné, Colin, lui en veut énormément de ce silence :

« Pour Colin, apprendre un tel secret à 40 ans, c’était voir toute sa vie comme un mensonge. Comme si, dans son passé, il n’existait aucune vérité. C’était perdre d’un coup cette mère qu’il adorait. C’était perdre l’histoire qu’il s’était racontée, ses racines et ses choix. Tout était faux.

Il était malheureux, et exaspéré aussi. Il nous expliquait que, à trois désormais, les règles changeaient, qu’il était impensable que lui, adulte, fasse semblant de ne rien savoir. Il affirmait qu’il ne reverrait plus jamais notre beau-père et voulait absolument que l’on prévienne notre père. » (p. 159)