Nous allons entrer en nous-mêmes, yeux fermés, et écouter, nous laisser aller à l’évocation que l’on voudra, entendre le sublime.
Il s’agit d’une musique à thème religieux, on dit musique sacrée. J’aime le classique, et reconnaissons que Dieu et ses Saints – qu’ils existent ou non – ont été largement aimés, honorés, servis, dans les siècles passés, par des artistes qui leur ont rendu grâce dans leurs plus belles oeuvres, peintures, sculptures etc., et bien sûr musique.
Du Moyen-Age au 19ème siècle, la vie familiale, sociale et artistique fut intensément marquée par la religion chrétienne. Dans les siècles passés, seuls les puissants, les fortunés pouvaient payer les oeuvres, faire vivre les artistes. La vie et l’œuvre de Vivaldi, entre autres exemples, en témoignent, s’il en était besoin. La grande musique (comme on disait autrefois) était réservée aux classes dites supérieures, aristocratique puis bourgeoise, et à l’Eglise.
Maintenant, ici, tout le monde peut l’entendre.
Vivaldi (1678-1741), né à Venise, fut un violoniste précoce et doué. Il fut aussi ordonné prêtre sans exercer vraiment son ministère. Et surtout, il fut un grand compositeur, et dans son oeuvre figurent de belles pièces de musique sacrée, dont deux cantates : le Stabat Mater et le Nisi Dominus, dont il sera question ici. Le nom et la musique du compositeur vénitien eurent en Italie une grande notoriété. Puis il fut vite oublié, ignoré. Exilé à Vienne, il y mourra seul, enterré sans célébration.
Certains dénigrent Vivaldi, le trouvent médiocre, ou fade, ou creux. On a pu entendre que Les Quatre Saisons étaient « de la musique d’ascenseur »… Sans commentaire.
Et pour des détails et explications sur la vie et l’œuvre de Vivaldi, on peut se référer à Wiki ! https://fr.wikipedia.org/wiki/Antonio_Vivaldi

La petite vidéo ci-dessous présente un enregistrement (2007) de deux phares du corpus sacré de Vivaldi, par l’ensemble Matheus (direction Jean-Christophe Spinosi), Philippe Jaroussky, contre-ténor, et Marie-Nicole Lemieux, contralto.
Quand j’entends certains se poser des questions sur la pertinence de Vivaldi compositeur de musique, soit de concertos, soit d’opéras, soit sacrée – alors écoutez le Cum Dederit du Nisi Dominus, et de bonne foi regardez-vous dans une glace et dites que ça ne vous a rien fait…
Jean-Christophe Spinosi, chef d’orchestre
C’est vraiment une musique dépouillée de tout artifice. C’est seulement la voix avec l’orchestre, un respect de la douleur de la mère, et un amour infini.
Marie-Nicole Lemieux, contralto
Un extrait du Nisi Dominus RV608 : le mystérieux, envoûtant et très célèbre Cum Dederit.
Je vous en propose cette interprétation de Tom Mead, contre-ténor britannique (à la Sainte-Chapelle, Paris, il y a quelques années) :
Au cœur ! Tout en brièveté, intensité, mystère… Un paysage sonore, sommets grandioses à gravir, profondeurs, aplats splendides…
Jean-Christophe Spinosi, chef, Philippe Jaroussky et Marie-Nicole Lemieux, solistes, présentent l’enregistrement réalisé en 2007 avec l’ensemble Matheus de 2 des cantates sacrées de Vivaldi : Stabat Mater et Nisi Dominus.
COMPLEMENTS
Le texte de Cum Dederit est un extrait du psaume 126 dans les liturgies hébraïque et chrétienne. Il fait partie des Psaumes des Montées, ou Cantiques des Degrés. Au nombre de 15, ils forment une sorte d’itinéraire de montée vers Dieu. Ils étaient chantés lors de pèlerinages, accompagnant la montée des marches menant au Temple de Jérusalem.
Le texte latin, et deux traductions :
Cum dederit dilectis suis somnum:
ecce haereditas Domini, filii:
merces, fructus ventris.
Dieu comble son bien-aimé quand il dort.
Des fils, voilà ce que donne le Seigneur,
Des enfants, la récompense qu’il accorde.
(Traduction dans la liturgie catholique)
Quand lui comble son bien-aimé qui dort.
C’est l’héritage de Yahvé que des fils,
Récompense, que le fruit des entrailles.
(Traduction de la Bible de Jérusalem, absconse et beaucoup moins poétique…)
Et pour les gens très exigeants ou très curieux, voici tout le texte du Nisi Dominus, avec sa traduction :
Nisi Dominus aedificaverit domum, in vanum laboraverunt qui aedificant eam. Nisi Dominus custodierit civitatem, frustra vigilat qui custodit eam. Vanum est vobis ante lucem surgere. Surgite postquam sederitis, qui manducatis panem doloris. Cum dederit dilectis suis somnum: ecce haereditas Domini, filii: merces, fructus ventris. Sicut sagittae in manu potentis: Ita filii excussorum. Beatus vir qui implevit desiderium suum ex ipsis: non confundetur cum loquetur inimicis suis in porta.
Si ce n'est le Seigneur qui bâtit la maison, en vain travaillent ceux qui la construisent. Si ce n'est le Seigneur qui garde la cité, en vain veille celui qui la garde. En vain, vous vous levez avant l'aube, en vain vous vous couchez tard, mangeant le pain des douleurs. Le Seigneur comble ses bienn-aimés dans leur sommeil. Voici : l'héritage du Seigneur, ce sont ses fils, sa récompense, le fruit de ses entrailles. Telles des flèches dans la main d'un guerrier, tels sont les fils engendrés dans la jeunesse. Heureux l'homme qui remplit son carquois de telles flèches: il ne sera pas confondu quand il défendra sa cause contre ses ennemis aux portes de la ville.


Extrait de l’enregistrement cité (Ensemble Matheus, Spinosi, Jaroussky, Lemieux) : Crucifixus, extrait du Credo RV 592
