Voici un poème traduit du russe, écrit en 1926 à Paris par Nina Berberova. Je l’ai trouvé sur le site de Stéphane Chabrières, Beauty will save the world, que je visite régulièrement.

Ce poème m’a émue et étonnée. J’y sens une étrange concordance des temps, des époques, dans ce monde sauvage où nous chuchotons nos désirs

Je voudrais déposer à tes pieds ce monde terrible
Où le chanteur des rues nous tend son chapeau,
Où des anges au manteau usé jusqu'à la corde
Traînent sur les trottoirs sous une pluie funèbre.

Je voudrais déposer à tes pieds en cette ville
La loi suprême et le secret de l'univers,
Tout ce monde sauvage aux feux artificiels,
Dans lequel toi et moi chuchotons nos désirs.

Je suis unique au monde, et il n'est d'autre moi,
Tu es unique au monde, et il n'est d'autre toi.
Et nous n'avons qu'un seul amour, ô mon ami,
Jusqu'à la mort, jusqu'à la fin. Et à nouveau après la mort.

Nina Berberova, Anthologie personnelle 1921-1983, Éditeur Actes Sud, 1998. Version française d'Hubert Nyssen, d'après une traduction du russe d'Alexandra Pletnioff-Boutin.

Nina Berberova (1901-1993) est une femme de lettres et poétesse russo-américaine (Partie de Russie en 1922, elle vivra dans plusieurs villes européennes, s’installera à Paris en 1925, jusqu’en 1950. Elle émigrera ensuite aux États-Unis, acquérant la nationalité américaine en 1959.