Printemps
Il y a sur la plage quelques flaques d'eau Il y a dans les bois des arbres fous d'oiseaux La neige fond dans la montagne Les branches des pommiers brillent de tant de fleurs Que le pâle soleil recule C'est par un soir d'hiver dans un monde très dur Que je vis ce printemps près de toi l'innocente Il n'y a pas de nuit pour nous Rien de ce qui périt n'a de prise sur toi Et tu ne veux pas avoir froid Notre printemps est un printemps qui a raison.
Paul Éluard, Derniers poèmes d’amour, Le Phénix
2013 Seghers Éditeur, collection « Poésie d’abord », 1ère édition 1963
Paul Éluard (1895-1952)

Jean-Pierre Siméon (poète, dramaturge, enseignant) donne une très belle préface aux Derniers poèmes d’amour de Paul Éluard, d’où est extrait le poème Printemps. En voici le début :
C’est un livre incandescent que ces Derniers poèmes d’amour, brûlant d’aimer, brûlé de désir, traquant la flamme, s’il faut, au-delà de la mort dans les cendres vivantes. Poésie toujours prête aux baisers résurrecteurs, le chant d’Éluard, depuis ses origines (1918 : Je fis un feu, l’azur m’ayant abandonné…), dresse obstinément sur la ruine du monde – solitude, désespoir, pauvreté – son bouquet d’images charnelles, étincelantes. Pour moi, pour ceux de ma génération, il fut sans aucun doute, ce livre, un de ces opus sacrés de l’adolescence qu’on emporte partout dans la poche du jean comme un talisman. Quelque chose, si l’on veut, comme un bréviaire insolent où puiser, à chaque instant d’ombre et d’abandon, telle ou telle de ces formules dont la jeunesse a besoin, dans son cœur absolu, pour oser le pas.
Jean-Pierre Siméon, L’utopie amoureuse, préface au recueil de poésie Derniers poèmes d’amour, Paul Éluard (2013 Seghers Éditeur, collection « Poésie d’abord », 1ère édition 1963).