à ma fille Sandra

Un très beau moment musical

Rosemary Standley & Helstroffer’s Band interprètent Love I Obey, de William Lawes (1602-1645).

Ça parle de racines et de transmissions, de retrouvailles et d’abandon. Tout est gravé dans la pierre. Toujours. Merci Rosemary, merci Élisabeth, merci Bruno pour ce voyage qui m’emporte à chaque fois. Merci au Bruit des graviers pour cette très jolie vidéo.

(Anonyme sur You Tube)

Fragments d’un état amoureux
Love, I obey ; shoot home thy dart. 
'Tis for a bleeding, wounded heart 
Whom oft I've heard to murmur tones 
For me would move the ruthless stones. 


Fly! Fly! Why stays my tardy sense 
To quench that flaming influence, 
Which else to cinders straight will burn 
All virtue in one sacred urn?
Amour, j'obéis ; je rengaine mon épée 
Cela pour un cœur saignant, blessé 
Que souvent j'ai entendu murmurer 
Que pour moi, il déplacerait les pierres impitoyables. 

Vole ! Vole ! Pourquoi mes sens tardent tant 
À étancher ce rayonnement enflammé, 
Dont les autres escarbilles vont brûler d’un seul coup 
Toute la vertu dans une urne sacrée ? 
Vierge plus douce que le feu virginal, qui se lance dans un désir chaste 
Peux-tu pardonner à une bête sauvage qui sacrifie ainsi ton sein ? 
Pourquoi ne fais-tu que regarder et soupirer
Oh, Amour tyran 
Pour voir le rouge il est tourné vers la pâleur 
La beauté est morte. 
Puis-je être abandonnée de tous, sans pitié, ne pas trouver de funérailles
Mes cendres à travers le monde vont être soufflées
Car l'amour est mort, et la beauté est partie.

(Traduction d’après Carole Dubois)

Rosemary Standley

La chanson Love I Obey fait partie d’un récital éponyme, créé en février 2015 à Alençon, puis en tournée en 2015 et 2016, dans une mise en scène de Vincent Huguet (Annexe ci-dessous)

Rosemary Standley, de formation musicale classique, a toujours proposé des interprétations diverses et surprenantes (quelques exemples seulement) :

folk avec le groupe Moriarty depuis 2007;

en spectacle sur différentes scènes (par exemple en 2010 au Printemps de Bourges dans le groupe Les Françoises;

en collaboration avec Dom La Nena, chanteuse et violoncelliste brésilienne, pour le spectacle et l’album Birds on a Wire, 2014;

en 2019 au Festival d’Avignon dans Lewis versus Alice, de Macha Makeïeff;

actuellement : classique dans Schubert in Love, avec l’Ensemble Contraste.

La croisée des mondes musicaux anciens et modernes.

Avec l’ensemble de Bruno Helstroffer, qui interprète avec Rosemary le récital Love I Obey, les artistes égrènent un répertoire composé de chansons traditionnelles américaines (celles chantées par le père de Rosemary, Wayne Standley), et des pièces baroques de William Lawes ou Henry Purcell, oubliées depuis 400 ans, et retrouvées à la BNF, à Oxford, ou à Londres, par Elisabeth Geiger, la claveciniste de l’Ensemble.

Les arrangements de Bruno Helstroffer proposent une playlist résolument populaire et empreinte d’un blues hors d’âge dans le respect des œuvres écrites des styles renaissance et baroque.

La direction musicale de Love I Obey est de Bruno Helstroffer, Rosemary Standley et Elisabeth Geiger.

Rosemary Standley : chant (avec Bruno Helstroffer et Elisabeth Geiger sur le morceau Love I Obey).
Bruno Helstroffer : guitare et théorbe
Élisabeth Geiger : clavecin et orgue
Martin Bauer : viole de gambe Michel Godard : Bugle, serpent.

Annexes

1.

William Lawes, né en 1602 à Salisbury et mort le 24 septembre 1645 à Rowton Heath, près de Chester, est un compositeur et musicien anglais. 

2. https://vincenthuguet.com/opera/love-i-obey/ (de très belles photos)

3. Note sur la mise en scène, par Vincent Huguet, combien de navires voguent dans la forêt ?

La première fois que j’ai écouté la maquette de Love I Obey, j’ai cru entendre des mélodies de la Renaissance, chantées au coin du feu dans un vieux château en Irlande par une Mélisande dévorée des yeux par des musiciens qui rêvent de départs, d’horizons lointains… et peut-être de la douceur de sa peau. Comme un fado élisabéthain, une musique à la fois précieuse, poétique, et chargée des embruns du large. Mais si cette nouvelle exploration, que Rosemary Standley mène avec des musiciens qui viennent du baroque, commence bien avec Purcell, elle se poursuit, au-delà de l’océan, sur les rivages et les terres du folk, dessinant un itinéraire musical étonnant, où des mélodies que plusieurs siècles séparent semblent contemporaines. Ce serait un peu comme si Marilyn, dans La Rivière sans retour, se mettait tout naturellement, descendue de son radeau, à entonner une chanson de l’époque de Shakespeare—pourquoi pas un de ses sonnets mis en musique ! – ou comme si ces musiciens avaient voyagé sur le vieux galion retrouvé échoué au milieu de la jungle, perché sur les grands arbres, dans Cent ans de solitude.

De solitude, il est souvent question, dans ces chansons, d’amours empêchées, impossibles, disparues, sans que ce soit toujours pour autant une souffrance : il y a aussi l’attente, heureuse, l’espoir, la gaieté et la légèreté d’un premier baiser. « Obéir à l’amour », comme une injonction à la fois belle et grave, où la fatalité et le plaisir se rencontrent, mais aussi le narcissisme rêveur et l’oubli de soi. Ces fragments d’un état amoureux, Rosemary et ses musiciens les font entendre ; il revient au metteur en scène de les accompagner, de jouer avec les couleurs et les gestes qui sont déjà là, d’attraper au vol quelques mots, qui comptent peut-être un peu plus que les autres, pour les faire résonner sur la scène, au cœur de ce poème qui donne envie d’aimer.

Sans prétendre construire absolument un récit, le travail scénique accompagne néanmoins Rosemary et ses musiciens dans l’exploration d’un monde à la fois familier et fantastique, parfois grave, où chacun est hanté par des souvenirs et des désirs qui affleurent au fil du spectacle. (…)

Avec cette musique la vie reprend, peu à peu, et la scène va se transformer : une toile peinte descend lentement, évoquant une forêt, un paysage de nouveau monde, une toile peinte comme on n’en voit plus, une qui a beaucoup servi, que l’on aurait utilisée dans un tout petit opéra ou même dans un saloon…

Quelques meubles, les musiciens qui accompagnent et ne quittent pas des yeux ces deux femmes dont on va deviner à peine l’histoire mais continuer à se demander d’où elles viennent et où elles vont : leurs robes évoquent à la fois l’Empire, les îles de Joséphine, mais peut-être aussi l’Amérique des années 1950…

4.