Cette série d’articles est ma façon de raconter une histoire de cette épidémie. On est loin d’une synthèse qui se voudrait objective, encore moins scientifique. C’est une fiction, un point de vue sur ces événements qui, sur chacun(e) d’entre nous, ont laissé leur marque. Vous y reconnaîtrez en clair des faits réels, connus de tous, et en filigrane mes questions, doutes, insatisfactions.

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La vie est une maladie mortelle sexuellement transmissible.

Woody Allen

La vérité est que le monde entre en quelques heures dans une vacuité de sens. Puisque la religion fournit une réponse doctrinale et fausse, la philosophie se propose d’en donner une abstraite et erronée. Partout dans le monde, les talk-shows se multiplient. Et surtout en France, ce pays à la concentration en philosophes médiatiques légendaire.

Hervé Le Tellier, 2020, L’anomalie, (Gallimard Éditeur), p. 300.

Il m’a fallu du temps pour continuer.

Je vous avais laissés, en septembre dernier, à l’endroit où Covid19, le nouveau virus venu d’Extrême-Orient (enfin, apparemment) envahissait le monde, semant sur son passage hospitalisations en urgence, réanimations, morts, et destruction de la confiance en tout.

Je reprends le fil: février 2021, en France, et ce n’est pas fini. La planète Terre semble encore, presque partout, mais surtout en Europe, sidérée par ce qu’on appelle pandémie. On va parler de communication, de langage, de mots. Attention aux mots, eux non plus ne semblent plus solides et stables comme avant.

Justement, les mots.

Les mots justes? Pas forcément. Il y a les mots de la thèse, et ceux de l’antithèse. Mais où sont les mots de la synthèse? Les citoyens s’affrontent en mots, pas dans la rue ni dans les bistrots (ben non…), mais sur les réseaux sociaux et parfois dans les familles!

Petit bilan du vocabulaire acquis, des éléments de langage de maintenant, pauvre savoir qui se construit sur les ruines de la vie universitaire, culturelle, et sociale. Les mots vraiment nouveaux, peu usités dans la vie d’avant (liste non exhaustive, à compléter selon vos envies):

  • épidémie, et pire: pandémie
  • masques!
  • virus, bien sûr (on n’entend plus coronavirus, et encore moins sars cov2); le virus est nommé covid, et la maladie qu’il déclenche parfois, la covid; et il y en a aussi qui manient le vocabulaire du covid long);
  • patient zéro;
  • variant ou (pire, car plus méchant) mutant du virus;
  • quarantaine, quatorzaine, septaine… (certains de ces termes ne sont pas homologués!)
  • confinement;
  • couvre-feu;
  • gestes-barrières, et parmi ceux-ci: distanciation sociale (ou physique), et les masques: masque chirurgical, masque FFP2, masque artisanal, de couturière, aux normes AFNOR (c’est bien), ou pas; et l’illustration qui va bien, par notre président.
  • contamination, cas positif, malade; cas-contact; cas-contact de cas-contact;
  • réanimations, soignants;
  • co-morbidités;
  • test PCR, test antigénique; écouvillon;
  • candidat-vaccin;
  • vaccin à ARN messager;
  • rassuristes!
  • vision éparpillée;
  • cluster;
  • hypoxie heureuse.

… et des mots déjà connus, mais qui s’actualisent, prennent un sens nouveau, à défaut de conférer du sens: amendes, autorisation, attestation, dérogation, jauge, complotisme, charlatans, vaccins, principe de précaution …

… et à interroger, ou ré-interroger :

  • Tous ensemble
  • Nous

Information: le fond de l’air est rance…

La parole et les images médiatiques sont maintenant dédiées à ce qui est nommé, définitivement catégorisé : crise sanitaire. On (tel spécialiste) parle avec componction et sûreté de soi, à la radio, sur les plateaux-télé, on s’affronte et on se dispute, parfois on se traite avec des noms d’oiseaux!

Quoi qu’il en soit, des images et des chiffres sont déversés, livrés en pâture quotidiennement au bon peuple avide de savoir, mais aussi apeuré, angoissé. Tout un chacun, le citoyen lambda, peut nager chaque jour, depuis un an, dans le grand bain national sanitaire et hospitalier, fréquenter quotidiennement, via les plateaux-télé, des sommités scientifiques et médicales qui délivrent une parole informative et presque toujours alarmante. Le JT de France 2, service public, présente chaque soir un sujet sur la maladie Covid, les malades, plante ses caméras dans des services de réanimation, aux urgences, ou dans les couloirs, en France ou en Italie.

Mais de savoir quoi? Tout entendre ou tout éteindre, fermer les écoutilles? Qu’est-ce qui serait raisonnable? La France, sur le qui-vive, est devenue un gigantesque hôpital à ciel ouvert.

Le savoir s’accroît, mais voici que ce supposé savoir semble poreux, remis en question, reposant sur des sables mouvants.

Car, oui, le virus Sars Cov2 et ses avatars sont toujours là, se diffusent contre vents et marées, à l’intérieur et en plein air, selon des lignes erratiques, se moquant des intuitions, calculs, prévisions et projections épidémiologiques. Dans les médias, on cherche des explications, des raisons, et des coupables: les vieux qui ne se protègent pas assez, les jeunes qui teuffent, les masques mal ou pas portés… Les vaccins, trop peu répandus ici, mènent leur petite lutte sanitaire, grignotent sur le terrain de l’immunité.

Et on oublie de parler milliards: les milliards que coûtent à la Sécurité Sociale les tests (compter chaque jour les cas de contamination, pour, en principe, tracer et isoler les malades et leur entourage); les vaccins…

Les chiffres deviennent vertigineux, et tout cela ressemble à une spirale, à un manège infernal où se trouve embarquée toute une population.

Illustration pour la fable de La Fontaine: Les Animaux malades de la Peste

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