Merci de noter: en droit européen, toute œuvre créée et publiée sur Internet étant couverte par le droit d’auteur, l’utilisation de cet article doit être autorisée.
*******
Ce livre est défini comme « Récit autobiographique ». Il a été publié aux États-Unis en 2007 sous le titre The Mistress’s daughter, par Viking / Penguin Group, Inc., et traduit de l’américain par Yoann Gentric.
C’est un récit profond, captivant, que j’ai lu d’une traite, et beaucoup aimé.
Extraits de la 4ème de couverture:
Issue d’une liaison entre une jeune femme de vingt-deux ans et son employeur – un homme marié plus âgé qu’elle et déjà père de famille – adoptée par un couple d’universitaires que la mort a privés de leur fils, c’est à l’âge de trente et un ans que A.M. Homes voit ses parents biologiques surgir, l’un après l’autre, sur la scène de son existence de jeune romancière new-yorkaise, alors en train de recueillir le fruit de ses premiers succès littéraires…
Mère à son tour au moment où elle prend la décision de se risquer au périlleux récit autobiographique requis par cet événement, l’écrivain évoque de manière volontairement factuelle l’impérieuse et soudaine nécessité de se doter d’un roman familial enfin lisible et acceptable, qui lui fait alors entreprendre (…) un éprouvant voyage identitaire (…) entre frénésie généalogique et ressassement du traumatisme de l’abandon.
Interrogeant sans détour la problématique de l’édification de l’individu dans ses rapports avec ce qu’il est convenu d’appeler le sens de la famille, A.M. Homes livre un récit stupéfiant de profondeur et de courage, qui, n’épargnant ni l’adopté ni l’adoptant, installe peu à peu le visage inconstant de l’amour au centre géométrique de la relation de parenté, tel un trou noir hantant la galaxie des destinées humaines.
Citations:
N.B. Pour la clarté des citations: la mère biologique d’A.M. Homes s’appelle Ellen Ballman. Norman Hecht est son père biologique.
Si Norman était vraiment le chef, le bon chrétien qu’il prétend être, il prendrait ses responsabilités. Il expliquerait à ses enfants qu’il y a eu un coup de canif dans le contrat, mais qu’il en est résulté quelque chose de bien – moi.
« Tu inventes », me dit quelqu’un. Peut-être, peut-être pas. J’imagine – c’est tout ce que je sais. Il n’y a qu’une autre solution : que quelqu’un me raconte comment c’était, comment ça s’est vraiment passé... (p. 144)
Je songe à Ellen et Norman avant toute cette histoire, je les imagine au printemps, roulant le long du Potomac, à Washington, dans une Cadillac bleu pastel décapotable, la radio allumée, le vent dans les cheveux, et se disant : « C’est ça, la vie, c’est ça. » (p. 144)
Lignages – à mon grand étonnement, j’éprouve un intérêt croissant pour ces gens que je n’ai jamais connus, pour ces liens du sang qui se dévoilent sous mes yeux. Je m’aperçois que je ne suis pas animée de la même motivation quand il s’agit de creuser l’histoire du père et de la mère avec lesquels j’ai grandi, sans bien savoir pourquoi. Est-ce parce que j’ai déjà avec eux une relation familière et familiale – ou parce que la découverte de ce récit biologique inédit constitue un événement psychique absolument singulier? Je ne peux faire que ce que je découvre ne résonne en moi : ce ronronnement de l’identification, ce sentiment de complétude, de bien-être. Ça fait sens au niveau des cellules – tout concorde. Et, en même temps, il y a comme une contradiction, comme un défi lancé à celle que je crois être, au moi que je connais. (p. 151)
(…) tout cela a le récit pour enjeu – l’histoire racontée. Comment ne pas trouver singulier que moi, qui suis sans passé, je sois justement devenue romancière, quelqu’un qui raconte des histoires et travaille à créer par l’imagination des vies qui n’ont jamais été? Toutes les familles ont une histoire qu’elles se racontent – qu’elles transmettent aux enfants et petits-enfants. Au fil du temps, l’histoire s’étoffe, se transforme; certains pans en sont affinés, d’autres abandonnés, et bien souvent il y a débat sur ce qui s’est vraiment produit. Mais si chacun dispose de facettes différentes de la même histoire, pour autant, tout le monde s’accorde à dire que c’est bien là l’histoire de la famille. Et, en l’absence de récits concurrents, elle devient l’étendard de l’identité commune. (p. 158)
Enfants, nous sommes crédules par nature. Il ne nous vient pas à l’idée de mettre en question le roman familial; nous le prenons pour argent comptant, sans nous apercevoir qu’il s’agit d’une histoire, d’une fiction collective à strates multiples. Qu’on songe un instant aux fluctuations, aux répercussions induites par le temps, le lieu, les conditions et la structure sociales. Vous êtes de Topeka, et ce depuis cinq générations; votre grand-père était pasteur et votre grand-mère à moitié indienne; Ou bien: votre grand-mère vient d’un petit village d’Italie, elle a émigré après avoir perdu toute sa famille (…) Votre mère a déjà été mariée, elle a eu un enfant qu’elle a abandonné – vous avez une sœur quelque part. Une nuit, votre mère marchait dans la rue quand on a surgi dans son dos – et vous en êtes le fruit. (p. 158-159)
…