Notre démarche consiste à favoriser la discussion d’un nouveau projet éducatif avec les groupes sociaux utilisateurs de l’École (Équipe de l’école Vitruve, Paris 20ème)
Un éducateur, c’est celui qui, avec les autres (les enfants) crée des circonstances, grâce aux autres qui sont là … Fernand Deligny
22/10/2016
Un article de Raymond Millot, lu dans les Tribunes du journal Politis : « Ces élèves qui fustigent l’école de la réussite »
Des lycéens d’un établissement de Seine-Saint-Denis réunis par le Conseil économique social et environnemental tordent le cou à l’école néolibérale où la compétition nuit au savoir, à l’égalité et au plaisir d’apprendre (…) Le lycée Le Corbusier d’Aubervilliers (en plein « 9-3 ») était appelé à témoigner. La parole est tout d’abord longuement donnée à une dizaine d’élèves de « l’atelier culturel » qui se sont réparti les interventions autour de trois thèmes : l’importance de la pression, l’importance de la culture, l’importance du plaisir. On jubile (…)
Le témoignage des Le Corbusier est ici décisif. Les enfants sont devenus de jeunes adultes et n’ont plus besoin qu’on parle pour eux et ce qu’ils disent est déterminant.
Ils dénoncent « l’école lieu de souffrance », « la compétition malsaine pour la meilleure note (de la classe) au détriment du savoir », la pression qui s’exerce sur eux, celle de l’institution avec ses notes et ses classements, ses évaluations formelles, ses effectifs, ses horaires, celle des parents par conformisme (la sacralité de l’école, même quand ils en ont été les perdants) ou par réalisme (le monde est dur, il faut qu’ils s’y préparent) et dont « les notes sont les seuls critères ».
Ils vont même jusqu’à établir un lien entre cette école et le monde néolibéral (et n’allez pas leur dire que ce sont leurs profs qui les formatent !).
Ils savent expliquer tout ce que leur apporte « la solidarité, l’entraide, le travail en groupe et la mutualisation qui permet de combler les lacunes avec les points forts des autres », ils savent « qu’il faut défaire la représentation qu’ont les parents de l’école et leur montrer que la qualité de l’apprentissage est plus important ». Ils dénoncent encore « la pression sur les profs qui doivent finir le programme et ne donnent pas le temps de comprendre, et sur l’élève qui doit restituer ses connaissances sans même les comprendre ».
Ils saluent « la pédagogie de l’écoute et du dialogue pour connaître les élèves » et tel prof allant jusqu’à « fournir son adresse mail pour connaître leurs difficultés ». Ils savent les inconvénients des effectifs chargés et remercient « le proviseur qui a instauré de nombreuses classes à effectifs réduits » (…)
Il s’agit enfin de parler du plaisir à l’école.
Un élève revient sur « cette école néolibérale qui broie les plus faibles, accentue les écarts, repose sur la compétition, [se préoccupe de produire] des individus performants et productifs. La peur de l’échec renforcée par l’évaluation réduite à la notation, installe la concurrence, classe les élèves, les rend individualistes et insensibles à l’échec des autres. Dans ce contexte, penser à la réussite à l’école conduit à poser les questions : L’égalité est-elle la condition nécessaire à la liberté ? La fraternité peut-elle nous unir ? L’école fabrique-t-elle de la passivité ? Le droit au plaisir peut-il être perçu comme émancipateur ? Comment concilier les valeurs républicaines et la recherche jubilatoire du savoir ? »
Une autre poursuit : « réussir à construire son avenir semble toujours supposer de travailler dans la souffrance. Une condition de la réussite de tous, [c’est] une école du plaisir d’apprendre, du travail en commun, [où] on a envie, on a du plaisir et de l’intérêt […] Le plaisir ne rejette pas la notion d’effort. Le savoir par et pour lui-même doit être le projet des élèves et des profs. »
La même élève aborde un sujet majeur (et souvent caricaturé) des « pédagogues » : la pédagogie du projet. Elle voit « une solution : des projets culturels facultatifs où chacun serait considéré en fonction de ses qualités propres, sans être noté, classé, mis en compétition, où chacun est à l’égalité des autres, libre de s’investir, où tous partagent et échangent pour participer à l’œuvre commune » (…)
On imagine bien que « l’équipe » (ce n’est pas ici un vain mot), l’équipe des profs (proviseur compris), a dû jongler avec les emplois du temps, les effectifs, les programmes, les horaires, le bénévolat (fatigue et joie), pour travailler sur ces projets et pour, en définitive clore le bec des « réac-publicains » puisque cette pédagogie a permis à ce lycée (du 9-3 !) de passer de 65% à 90% de réussite au bac !
Le lecteur pourra vérifier ces citations et écouter les interventions remarquables du proviseur, des profs, de la directrice du théâtre de la Commune en cliquant ici.
Merci au CESE !
http://www.politis.fr/articles/2016/10/ces-eleves-qui-fustigent-lecole-de-la-reussite-35629/