Sur La Gloire de mon père, tome 1 des Souvenirs d’enfance de Marcel Pagnol (1ère édition 1957):

Même quand on est grand(e), on aime bien entendre des histoires… En voici une, déjà connue (et vue dans la belle adaptation cinématographique d’Yves Robert, 1990). Un roman relu avec plaisir… Un bain d’enfance, de soleil, de Provence, dans le chant et les odeurs insistants de la garrigue, de belles images, des familles sereines, heureuses, sans questions existentielles ni remous d’Histoire (sauf – un peu – les débuts de la Grande École de la République…) Tout est ENTIÈREMENT D’ÉPOQUE, dans un milieu social simple et sans histoires! Et oublions le sexisme, d’époque également (mais appelé ici valeurs familiales traditionnelles), les cruels chasseurs, les clichés gens du Sud et traditions

La Gloire de mon père, c’est surtout un conte, avec des épisodes ensoleillés, tendres, doux, et avec des épisodes angoissants, comme l’aventure solitaire du jeune Marcel, longuement perdu, assoiffé, dans la montagne provençale. C’est l’épisode glorieux de la chasse aux bartavelles, la gloire de Joseph proclamée dans le soleil couchantUn conte admirablement écrit et raconté, toujours plein d’humanité; une lecture douce et éminemment dépaysante

Le teaser du film d’Yves Robert:

Note: le personnage de Lili des Bellons, joué par Joris Molinas, présent dans le film, n’apparaît pas encore dans le tome 1 des Souvenirs d’enfance.

Sur France Télévisions, un film documentaire de Fabien Béziat (2018): Les trésors de Marcel Pagnol.
Extraits du commentaire du film:

La sincérité de la mémoire est plus importante que l’authenticité des faits, parce qu’il existe une vérité en habits de faits, qui est la vérité des gens qui s’aiment.

Marcel Pagnol

Le soleil, les rires, les secrets, les drames:

« Il faut en effet beaucoup d’amour, et conjurer beaucoup de peine, pour imaginer une si belle histoire en souvenir de sa maman: la première projection publique (1) n’a jamais eu lieu le jour de sa naissance, à La Ciotat. Marcel le savait bien. Il avait rayé de sa mémoire la vérité d’un chagrin écrasant… Marcel n’était pas né sous la bonne étoile du cinématographe, comme il aimait à le raconter, mais dans l’inquiétude, dans le silence, et dans le deuil.(2) On ne parlait pas de ces choses-là à la maison. »

(1) NB: du film des frères Lumière: « L’arrivée d’un train en gare de La Ciotat » (1896)

(2) Marcel Pagnol est né à Aubagne en février 1895, après le décès, quelques mois auparavant, d’un premier enfant du couple Joseph et Augustine.

« Les histoires de famille les plus banales deviennent légendes de l’Olympe chez Pagnol. Car derrière les rires éclatants de soleil, ils révèlent l’ombre des secrets et des drames qui terrassent en silence les personnages de tous ses films: Fanny, la fille-mère qui porte le déshonneur du péché originel, et que l’on jette dans les bras du vieux Panisse pour sauver les apparences de la famille. »

L'homme qui écrit, c'est un homme qui se console. Et de quoi se console-t-il? De n'avoir pas sous la main quelqu'un à qui parler. Je suis un homme de compagnie, mais je me lève tôt. À quatre heures, ou à cinq heures du matin au plus tard. À cette heure, forcément, je suis tout seul devant mon grand bureau, au milieu de cette grande pièce. Alors, que veux-tu que je fasse, tout seul dans cette maison qui dort? Eh bien, je parle à mon porte-plume, je ne peux pas m'en empêcher. Et dès que j'ai commencé à parler à mon porte-plume, il y a du monde autour de moi... Je parle aux miens, aux vivants et aux morts, à tous ceux que j'aimais, et ils sont là à mes côtés, en chair et en os. Il ne leur manque pas un sourire, pas une intonation. Ma mère porte un caracal mauve avec de petites fleurs grises. À la gibecière de mon père pend une dent de tigre.Et souvent, je ris avec eux. Parfois même, je pleure. Et qu'on ne vienne pas me dire que j'aurai bientôt quatre-vingts ans. Non, j'en ai douze, je viens d'entrer en 5ème, et j'ai toute la vie devant moi. 
(Texte lu dans le film par Nicolas Pagnol, petit-fils de Marcel.)

« Fada », c’est un joli mot provençal qui veut dire: « qui a reçu le rayon des fées », c’est-à-dire que les fées lui ont tapé sur la tête!

« Marcel est un sorcier. Il a cherché inlassablement les sources de la vie. En écrivant La gloire de mon père, il a trouvé la fontaine de jouvence qui remonte le temps et fait revivre les souvenirs. Il a soufflé sur les paupières de sa mère, Augustine, de son petit frère, Paul, de son père, Joseph, et réveillé d’un éternel sommeil les personnes qu’il aimait par-dessus tout. Le grand salon qui, quelques minutes avant, grelottait dans une nuit trop longue, est réchauffé par l’éclat des souvenirs. Toute la pièce est transportée sur les sentiers lumineux, dans les collines. »

Alors commença la féérie. Et je sentis naître un amour qui devait durer toute ma vie…