Paroles et musique de Camille Dalmais.

Lève toi c'est décidé
Laisse moi te remplacer
Je vais prendre ta douleur 
Doucement sans faire de bruit
Comme on réveille la pluie
Je vais prendre ta douleur, prendre ta douleur
Je vais prendre ta douleur 
Elle lutte elle se débat
Mais ne résistera pas
Je vais bloquer l'ascenseur
Je vais prendre ta douleur
Saboter l'interrupteur
Je vais prendre ta douleur 
Mais c'est qui cette incrustée
Cet orange avant l'été
Sale chipie de petite sœur 
Je vais tout lui confisquer
Ses fléchettes et son sifflet
Je vais lui donner la fessée
Je vais prendre ta douleur
La virer de la récré
Je vais prendre ta douleur 
Mais c'est qui cette héritière
qui se baigne, qui se terre
Dans l'eau tiède de tes reins
J'vais la priver de dessert
Lui faire mordre la poussière
Pour tous ceux qui n'ont plus faim
Je vais prendre ta douleur
Pour tous ceux qui n'ont plus rien
Je vais prendre ta douleur
Dites moi que fout la science
A quand ce pont entre nos panses
Si tu as mal là où t'as peur
Tu n'as pas mal là où je pense!
Qu'est-ce qu'elle veut cette connasse
Le beurre ou l'argent du beurre
Que tu vives ou que tu meures
Faut qu'elle crève de bonheur
Ou qu'elle change de godasses
Faut qu'elle croule sous les fleurs
Change de couleur
Je vais prendre ta douleur
Je vais jouer au docteur
Je vais prendre ta douleur
Dites moi que fout la science
A quand ce pont entre nos panses
Si tu as mal là où t'as peur
Tu n'as pas mal là où je pense...
Lève-toi! Lève-toi! Elle a envie de toi, ta douleur!

Christophe André, écrivain, psychiatre et psychothérapeute, commente sur son blog (lien ci-dessous) la chanson de Camille. Il en donne un exemple, tout simple mais très parlant :

(…) Comme beaucoup de parents (enfin, il me semble) j’ai toujours, devant mes enfants malades, le désir viscéral de prendre leur maladie, de souffrir à leur place, pour leur épargner totalement la douleur. Mais ça ne marche pas, et ça ne serait peut-être pas une si bonne idée de pouvoir vraiment le faire (comment se débrouilleraient-ils lorsque nous ne serions plus là ?).

Alors, nous avons la douceur, la compassion, la présence, pour atténuer la douleur de nos proches et des personnes que nous croisons et qui souffrent.

Mais le désir de souffrir pour l’autre est universel ; le désir de prendre au moins un bout de sa souffrance, quand celle-ci est terrible, est présent au cœur de chacun de nous. Tout seul dans la cuisine pleine de silence et de fantômes, j’entends maintenant résonner dans mon cerveau cette chanson de l’excellentissime Camille :

« Lève toi c’est décidé,
Laisse moi te remplacer,
Je vais prendre ta douleur.

Doucement sans faire de bruit,
Comme on réveille la pluie,
Je vais prendre ta douleur… »

Il fait gris et froid ce matin-là. Me voilà connecté, conscience ouverte, à toutes les souffrances humaines. Ma poitrine se serre. Je ne serai jamais à la hauteur : trop fragile, trop égoïste, trop débordé déjà par mes propres douleurs et celles de mes proches.

Je m’approche de la fenêtre pour regarder le ciel chargé et reprendre un peu de forces. Je respire, je souris, je me dis que je vais faire ça par petits bouts, et qu’on verra bien. Je me répète mon bon vieux mantra « Fais de ton mieux et n’oublie pas d’être heureux. » Parce que si tu es malheureux, tu aideras moins bien… Allez vieux, ça va aller. Et ce soir, n’oublie pas non plus de parler à ta fille pour lui rappeler qu’un traitement, ça ne se contemple pas, ça s’avale.

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