Lectures 2025
Je découvre Marie Vingtras avec ce roman étrange : d’abord le mystère du titre, « Les âmes féroces », qui fait peut-être référence aux étrangetés et mystères des âmes humaines, leur sauvagerie, leur opacité… Il faut dire que les personnages du livre, complexes, ne se laissent pas « décortiquer » si facilement; oui, ils gardent jusqu’au bout leur écorce tantôt rugueuse, dure, voire inattaquable; tantôt d’apparence lisse, séductrice, mais si glissante, et tout aussi impénétrable! Il y a aussi dans ce roman, une certaine idée du destin (le fatum), de l’incommunicabilité entre les êtres, et de leur impuissance à faire des choix, à réussir… Ils sont humains, tellement humains!
Il y a, en ouverture du roman, le mystère autour de la mort d’une jeune fille, dont la clé ne sera révélée qu’à la fin, mettant à mal bien des clés du polar « classique »… Non, elles ne sont pas ordinaires, les destinées des habitants (natifs ou réfugiés) de cette féroce petite ville au nom étrange: Mercy, qui se traduit par « pitié », « miséricorde »…
Je recommande vivement ce roman, et quant à moi, je crois que je vais le relire bientôt, peut-être plus lentement cette fois.
Prix du roman FNAC 2024.

EXTRAITS
La shérif Lauren Hobler vit avec une femme, Janis, qui a fui un monstre de mari, et s’est réfugiée, abîmée physiquement et moralement, dans la petite ville du Midwest qui sert de cadre au récit, et plus précisément auprès de Lauren.
Je me suis réveillée avec la main de Janis dans mes cheveux. Elle était pâle, son visage n’avait plus rien d’enfantin. Ne t’en va pas, a-t-elle murmuré et je lui ai répondu que je resterais aussi longtemps qu’il le faudrait, que rien ne me ferait l’abandonner. (…) Je voulais être son gardien, celle qui veille et qui tient le chagrin à distance, même si entre-temps le malheur galopait à bride abattue dans ma ville, en poussant des cris de joie que j’étais bien la seule à ne pas entendre.
p. 73-74

Seth, le père de l’adolescente disparue, a une vie très difficile, en marge:
C’est ça que je suis pour eux : un caillou dans leur chaussure, celui qui dément la légende de la jolie bourgade où tout va toujours pour le mieux. Pour eux je suis le type sur lequel se concentrent les malheurs, sauf que c’est pas vraiment comme ça que ça se passe et s’ils voulaient bien se donner la peine de regarder autour d’eux, ils verraient que le malheur est comme l’eau qui s’infiltre dans ma charpente, il vient se glisser dans tous les espaces libres et quand la pression est trop forte, tout finit par céder. p. 238 – 239.
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Le premier roman de Marie Vingtras: Blizzard (2021, Éditions de l’Olivier, et 2023, Points – Prix des Libraires 2022):
« Le blizzard fait rage en Alaska. Au cœur de la tempête, un jeune garçon disparaît. Il n’aura fallu que quelques secondes, le temps de refaire ses lacets, pour que Bess lâche la main de l’enfant et le perde de vue. Elle se lance à sa recherche, suivie de près par les rares habitants de ce bout du monde. Une course effrénée contre la mort s’engage alors, où la destinée de chacun, face aux éléments, se dévoile.«
