Un poème de Paul Verlaine célèbre Kaspar Hauser:
Gaspard Hauser chante:
Je suis venu, calme orphelin,
Riche de mes seuls yeux tranquilles,
Vers les hommes des grandes villes:
Ils ne m’ont pas trouvé malin.
À vingt ans un trouble nouveau
Sous le nom d’amoureuses flammes
M’a fait trouver belles les femmes:
Elles ne m’ont pas trouvé beau.
Bien que sans patrie et sans roi
Et très brave ne l’étant guère,
J’ai voulu mourir à la guerre:
La mort n’a pas voulu de moi.
Suis-je né trop tôt ou trop tard?
Qu’est-ce que je fais en ce monde ?
Ô vous tous, ma peine est profonde:
Priez pour le pauvre Gaspard !
Paul VERLAINE (1844 - 1896)
Poème extrait du recueil Sagesse (1880)
… Poème célèbre, mis en musique par Georges Moustaki:
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Reinhard Mey, dit Frederik Mey, chanteur folk-blues d’origine allemande (chantant dans les deux langues), livre de l’histoire de Kaspar Hauser une version bilingue, rurale et romancée (avec un Gaspard, venu d’Angers pour la version française).
Version française:
Gaspard, de et par Reinhard (Frederik) Mey (Album Le tendre mordant ℗ EPM 4 CD, Les années Peridès, 1969-1982)
On disait qu'il venait d'Angers, qu'il ne savait pas dire un mot
Sur la place du marché, il fut entouré de badauds
Les uns chuchotaient Il n'est pas normal! Et d'autres criaient C'est un animal!
Alors, qu'est-ce que vous attendez, pour chasser cet idiot,
Pour chasser cet idiot?
Ses cheveux lui tombaient en mèches, il se tenait recroquevillé
C'est le diable qui l'empêche de marcher la tête levée!
Le curé lui tendit un pot de lait, qu'il lappa bruyamment et d'un seul trait
Faudrait qu'on l'abreuve à la crèche, c'est Satan incarné!
C'est Satan incarné!
Mon père qui, en ce temps-là, était maître d'école au village
Alla vers lui, tendant son bras malgré les mots de l'entourage
Mon père lui parla doucement
L'étranger murmura en bégayant un nom qui sonnait par endroits comme le nom de Gaspard, Comme le nom de Gaspard.
Mon père le prit avec lui, et Gaspard hésita un peu
Ma mère lava ses habits, elle lui coupa les cheveux
Mon père alors lui apprit à parler À lire, à écrire, et à calculer.
Et mon père disait de lui "Quel garçon prodigieux!",
Quel garçon prodigieux!
Près de l'école il y avait un champ de quelque cinq hectares que la commune nous baillait,
J'y travaillais avec Gaspard.
Comme nos récoltes furent bonnes après les rudes journées, en automne
Les paysans nous maudissaient quand on rentrait le soir,
Quand on rentrait le soir!
Plus tard, après Noël passé, on sortit le vin le plus rare
Et puis vint ce jour de janvier étouffé d'un épais brouillard
Gaspard ne rentra pas pour le repas, muet, je guettais le bruit de son pas
Mon père gronda, excédé Mais que fait donc Gaspard?
Mais que fait donc Gaspard?
On l'a trouvé au petit matin dans la neige rouge de sang
Couché dans le petit chemin qui va de la maison au champ
Ses yeux ne reflétaient pas la peur, mais seulement une infinie stupeur
Ou comme l'infini chagrin d'être haï autant
D'être haï autant
Un commissaire de passage enquêta fort hâtivement
L'abbé fit le discours d'usage, qui nous consola bougrement...
Le champ depuis est resté en jachère, les gens, leurs chiens ne me font plus la guerre...
Quand je vais jusqu'au village par le chemin des champs,
Par le chemin des champs.