Mais ils sont avant tout les fils de la chimère,
Des assoiffés d'azur, des poètes, des fous.

Jean Richepin (Oiseaux de passage, 1876, La Chanson des gueux)
Résister, parler de différences, d’insoumission, de liberté, de mouvement : une urgence vitale!

Planter le premier décor

Premiers extraits d’un long et magistral POÈME de Jean Richepin, Oiseaux de passage (1881, La chanson des gueux, Paris, Maurice Dreyfous, Hachette Livre BNF, « Édition définitive revue et augmentée d’un grand nombre de poèmes nouveaux, d’une préface inédite et d’un glossaire argotique »).


C'est une cour carrée et qui n'a rien d'étrange:
Sur les flancs, l'écurie et l'étable au toit bas;
Ici près, la maison; là-bas, au fond, la grange
Sous son chapeau de chaume et sa jupe en plâtras.

Le bac, où les chevaux au retour viendront boire,
Dans sa berge de bois est immobile et dort.
Tout plaqué de soleil, le purin à l'eau noire
Luit le long du fumier gras et pailleté d'or.

Loin de l'endroit humide où gît la couche grasse,
Au milieu de la cour, où le crottin plus sec
Riche de grains d'avoine en poussière s'entasse,
La poule l'éparpille à coups d'ongle et de bec.

Plus haut, entre les deux brancards d'une charrette,
Un gros coq satisfait, gavé d'aise, assoupi,
Hérissé, l'oeil mi-clos recouvert par la crête,
Ainsi qu'une couveuse en boule est accroupi.

Des canards hébétés voguent, l'oeil en extase.
On dirait des rêveurs, quand soudain, s'arrêtant,
Pour chercher leur pâture au plus vert de la vase I
ls crèvent d'un plongeon les moires de l'étang.

(...)

Au bout du clos, bien loin, on voit paître les oies,
Et vaguer les dindons noirs comme des huissiers.
Oh! qui pourra chanter vos bonheurs et vos joies,
Rentiers, faiseurs de lard, philistins, épiciers ?


O vie heureuse des bourgeois! Qu'avril bourgeonne
Ou que décembre gèle, ils sont fiers et contents.
Ce pigeon est aimé trois jours par sa pigeonne,
Ça lui suffit: il sait que l'amour n'a qu'un temps.

En voici la suite, en chanson (musique de tonton Georges…)

Oiseaux de passage: quelques strophes du poème de Jean Richepin, mises en musique par Georges Brassens*, et interprétées ici par Maxime Le Forestier (INA, mai 1979).

*Album Misogynie à part, 1969.

Je ne peux qu’encourager à lire en entier ce poème, par exemple dans l’édition citée; mais on peut aussi le trouver sur internet. ici: https://www.bonjourpoesie.fr/lesgrandsclassiques/poemes/jean_richepin/les_oiseaux_de_passage et là: https://canto.ficedl.info/spip.php?article613 – ou encore amendé, remanié, complété … (voir article Wikipedia, p.2)

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Le poème et la chanson de Brassens, interprétés par Rémo Gary: